Observer la jeunesse niçoise à travers la carte des enfants d’immigrés extra-européens, c’est lire en creux l’histoire sociale d’une métropole contrastée, prise entre son littoral prestigieux, son arrière-pays en pente et ses vallées populaires. En 2017, la proportion moyenne d’enfants extra-européens parmi les 0-18 ans atteignait environ 22 %, un chiffre très proche de celui d’autres villes du Sud. Mais derrière cette moyenne se cache une géographie sociale particulièrement fracturée. Et parce que l’âge moyen de cette cohorte nous ramène aux nés de 2008, aujourd’hui en pleine adolescence, l’exercice consiste aussi à comprendre dans quel paysage social cette génération s’est construite.
À Nice, les contrastes apparaissent immédiatement. Le littoral oriental — de Villefranche-sur-Mer à la frontière monégasque — affiche des taux très faibles : souvent 5 à 10 %, parfois même moins. Ce sont les territoires des classes supérieures, des résidences secondaires et de la rente immobilière. Les enfants de 2008 y ont grandi dans un environnement homogène, protégé, où la diversité sociale reste limitée, et où le coût du logement opère une sélection silencieuse mais implacable. La jeunesse y est numériquement faible mais socialement stable, portée par un capital économique et culturel nettement supérieur à la moyenne niçoise.
À l’autre extrémité du spectre, les quartiers situés à l’ouest de la ville et dans certaines communes limitrophes — Saint-Augustin, Les Moulins, La Tinée urbaine, ainsi qu’une partie de Cannes-La Bocca quand on s’éloigne du cœur touristique — montrent des taux élevés, 20 à 30 % d’enfants extra-européens. Ces espaces concentrent les ménages plus modestes, le logement social, les situations d’emploi incertain. Ce sont des territoires où la jeunesse née en 2008 a grandi dans une forte diversité culturelle, mais aussi dans un contexte de fragilités économiques, de distances sociales et parfois de sentiment d’isolement vis-à-vis du reste de la métropole.
Entre ces deux pôles, Nice expose un patchwork de communes et de quartiers intermédiaires : Grasse, Mougins, Cagnes-sur-Mer ou encore Valbonne, où les taux oscillent entre 10 et 20 %. Ce sont des territoires qui accueillent des familles de classes moyennes, souvent en quête d’un compromis entre proximité urbaine et qualité de vie résidentielle. Pour les jeunes nés en 2008, cela signifie des trajectoires relativement stables, mais une sociabilité moins mélangée que dans les quartiers populaires et moins exclusive que dans les communes littorales aisées.
Cette carte raconte finalement une ville et une région qui se fragmentent davantage que d’autres métropoles françaises. L’axe littoral est marqué par la richesse, les vallées intérieures par la mixité contrainte, et les plateaux intermédiaires par un entre-deux sociologique fragile mais encore équilibré. La génération 2008 en porte l’empreinte : selon le quartier où elle a grandi, elle ne raconte pas la même histoire, ne fréquente pas les mêmes écoles, n’a pas les mêmes horizons.
Alors que cette cohorte entre aujourd’hui dans l’âge des choix — orientation, mobilité, formation —, elle incarne une jeunesse niçoise profondément hétérogène, qui reflète autant les lignes de force économiques d’un territoire que les fractures silencieuses qui l’organisent. Une génération façonnée par la géographie sociale de Nice, et qui, demain, dira à son tour quelle ville elle a construite.
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Nice: ses quartiers dangereux : https://www.youtube.com/@ChristopheBugeau
